Les murs peints de la ville de Paris: la politique culturelle au service de l'Art?

Publié le par Emilie

On a tous en mémoire certaines peintures préhistoriques redécouvertes parfois quelques siècles plus tard par les hommes dans ces grottes que le temps a isolées. On retrouve donc l'art pariétal dans les origines de l'homme. A cette époque préhistorique, les murs des grottes étaient pour les hommes le meilleur support pour dessiner et donc par la même de communiquer entre eux.

Cependant cet art ne s'est pas arrêté là mais s'est modernisé en prenant comme support l'architecture. L'un des plus célèbres muralistes est le Mexicain Diego Riveira. Cependant ce dossier va se centrer sur la ville de Paris et l'essor des " murs peints " vers les années 1970. L'essor de ces peintures murales a été favorisé par la politique culturelle de la ville de Paris. L'architecture inspire non seulement ces peintures mais sert en plus de support, exposant ainsi cet art aux yeux des passants et des habitants provoquant donc des réactions diverses.

La politique culturelle de la ville de Paris

L'origine même de ces peintures se trouve dans la politique culturelle de la ville de Paris. En effet un organisme spécial gère tout ce qui a attrait à l'aménagement urbain. André Hofmann est responsable des murs peints à la Direction de l'aménagement urbain de la ville de Paris. André Hofmann est lui-même sculpteur. Il est à l'origine du grand changement : il a permis à l'art contemporain de s'exprimer et de prendre la place des trompe-l'œil rococo ou des façades style Renaissance. Il a déclaré : "je trouvais que le trompe-l'œil n'était plus du tout représentatif de l'esprit créatif de notre époque. C'est pourquoi j'ai convaincu la mairie de confier à des artistes contemporains le soin de peindre des fresques sur les murs de la capitale ". Il est donc à la base de cette idée originale.

La ville de Paris est le principal mécène. A l'origine, le mécénat émanait plutôt de la volonté d'un dirigeant d'entreprise. Cela permettait à un artiste de s'extérioriser et donnait en plus une image de marque à l'entreprise. Mais le mur peint est maintenant pour une grande part le fait de la commande publique. Son développement dépend donc assez largement d'une volonté


politique qui a un soucis d'intervention au niveau de l'action culturelle et de l'environnement urbain. Cette volonté politique va bien au-delà de la demande exprimée par le grand public comme nous le montre les réalisations de ces dernières années. C'est la Direction de l'aménagement urbain de la Ville de Paris qui décide de prendre ou non tel ou tel artiste. Il y a alors réunion d'un jury, en rapport avec les domaines de la politique et de l'art, pour départager les œuvres sélectionnées. Nous pouvons en effet retrouver dans le jury des représentants de musée, des critiques d'art, des représentants des affaires culturelles de la ville de Paris.

Environ trois murs peints sont réalisés chaque année à Paris. Il faut adresser une déclaration de travaux auprès de l'architecte des Bâtiments de France si l'œuvre se situe à moins de 500 mètres d'un Monument historique. L'artiste doit mettre son œuvre "au carreau", c'est-à-dire que sa maquette originale est découpée en petits carrés identiques qui seront agrandis à l'échelle sur le mur. Cependant l'artiste n'est pas forcément celui qui réalisera l'œuvre sur le mur. Le coût moyen d'un mur peint est d'environ 210 euros par mètre carré en sachant que la mairie annonce que la rémunération du concepteur du mur peint n'excède pas 14500 euros.

Les murs peints doivent donc prendre en compte l'architecture environnante pour s'intégrer parfaitement à celle-ci.

L'architecture comme support des murs peints

La réalisation d'un mur peint ne consiste pas à reproduire une œuvre à l'échelle du pignon d'un immeuble. L'œuvre doit s'adapter dans la ville pour laquelle elle est conçue en rapport avec l'environnement physique et social.

A l'origine des murs peints ont été qualifié - parfois à juste titre - de " cache-misère " des rénovations de la capitale. Ces peintures ont servi à combler des pans entiers de murs aveugles causés par la démolition de bâtiments et par les nouveaux alignements entraînés par l'élargissement des rues. André Hofmann a dit à propos de ce sujet : " Il s'agissait à l'époque de corriger un accident d'urbanisme et non de créer un événement spécifiquement nouveau ayant sa propre existence ".

Par la grandeur de certains bâtiments, l'architecture permet aux artistes de créer à très grande échelle. Cependant l'échelle est parfois une contrainte et la peinture est obligée de s'adapter à


la grandeur de support. En effet le " Piéton " de Rieti sur l'immense mur du Forum des Halles paraissait grandeur nature alors qu'il mesurait en réalité 2,80 mètres. L'artiste a d'ailleurs déclaré que se fut la difficulté majeure dans cette œuvre. La peinture doit donc savoir s'adapter au milieu environnant. L'œuvre de Iréna Dédicova Paysage lunaire montre bien ce rapport entre l'art et l'architecture. L'artiste a pris en compte ces deux bâtiments pour créer son œuvre. Cela donne l'impression que les bâtiments ont été pensé avec les peintures. Un exemple extrêmement frappant montrant ce rapport avec l'architecture est celui de Philippe Rebuffet qui s'intitule Les Pompiers. Cette peinture murale se trouve justement à côté d'une caserne de pompiers. En effet à première vue on n'arrive pas à distinguer le vrai du faux. L'artiste a ici entièrement pris en compte le bâtiment qui lui sert de support pour créer une illusion presque parfaite de la réalité. Les éléments constituants ces murs sont pratiquement de taille humaine. Rebuffet avait déjà fait une œuvre au même endroit qui fut malheureusement détruite lors de la reconstruction du bâtiment. Les habitants se sont mobilisés pour retrouver une œuvre de Rebuffet en organisant diverses actions. Cependant tous les murs peints ne connaissent pas le même enthousiasme de la part des habitants. La peinture murale de Robert Combas au 3 Rue des Haudriettes a surtout déplu aux femmes. Pour ces dernières la femme était ici réduite au rang de femme-objet avec pour fonction d'être une lampe. Or l'artiste n'a pas du tout été compris puisque celui-ci voulait faire passer le message de la femme "lumière de l'homme".

 

Conclusion

 

Le mur peint permet de faire descendre l'art dans la rue pour le montrer aux yeux de tous. Le mur peint est toujours vu, souvent admiré et parfois décrié cependant une chose est sûre c'est qu'il ne laisse pas indifférent. Il contribue aux différentes mutations de la ville et égayé nos architectures. Cet œuvre d'art par son support prend un caractère monumental mais ne peut cependant pas résister comme la pierre ou le métal. On peut quand même imaginer un bon avenir pour le mur peint vu la volonté politique de mettre l'art à la portée de tous en le rendant plus accessible.

Publié dans urbanisme

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E
Les grandes villes françaises mettent effectivement de la "bonne volonté" pour colorer leurs murs, malheureusement ces chantiers sont la chasse gardée de groupes d'artiste restraints imposant une vraie chappe de plomb sur "le marché"; leur créativité en prend par la même occasion un sérieux coup puisqu'ils peignent presqu'à chaque fois la même chose...
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N
Je vous félicite pour cette iniative commune qui permet enfin de prendre au sérieux les peintures murales, qui apportent un peu de créativité et d'originalité dans une architecture qui en est hélas souvent dépourvue. Bises à vous deux
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P
Pour répondre à la question de savoir si la politique culturelle est au service de l'art il semble que divers pistes puissent être exploitées.<br /> tout d'abord la politique culturelle peut avoir comme avantage de financer les artistes et remplacer les anciens mécènes en permettant l'innovation qui éduquent les personnes non initiées à l'art , à appréhender l'oeuvre moderne. Cependant dans le cadre des villes, elles peuvent être frileuse et rester trop classique pour ne pas choquer ses habitants. en cela la politique culturelle peut présenter des inconvénients.
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